Login

Les récoltes bousculent les cours des céréales

Les incertitudes quant aux rendements des récoltes de 2024 de céréales font pression sur les prix qui baissent cette semaine.

Alors que les récoltes se poursuivent en Europe, les perspectives de rendement restent incertaines et doivent faire face à la concurrence de la mer Noire. Ceci participe au décrochage des cours des blés et des orges sur la semaine.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

La moisson progresse en Europe, les récoltes des blés et colzas prenant peu à peu le relais sur celles des orges d’hiver. Les perspectives de rendement sont toujours aussi incertaines, mais il faut faire avec la concurrence de la mer Noire, très bien positionnée sur les récents appels d’offres nord-africains en blé.

Face à ces risques, les opérateurs tournent leurs regards vers l’Amérique du Nord. Si les conditions restent favorables sur les maïs et sojas américains, une vague de chaleur s’installe au Canada.

Retour de la demande en blé dans un contexte incertain

La volatilité sur le marché du blé est ralentie cette semaine malgré le retour de la demande internationale. Les achats successifs de l’Égypte puis de l’Algérie pour d’importants volumes témoignent pourtant de l’intérêt des acheteurs dans ce contexte de repli des prix mondiaux.

Le Gasc (autorité gouvernementale égyptienne en charge des achats de céréales) contractualise 770 000 tonnes de blé, sourcées à hauteur de 720 000 tonnes auprès de la Russie et 50 000 tonnes auprès de la Bulgarie. Le résultat est relativement similaire pour l’OAIC (Office algérien interprofessionnel des céréales) qui devrait contractualiser entre 700 000 et 800 000 tonnes. L’offre russe s’est particulièrement distinguée au cours de ces appels d’offres, reflet également d’un manque de débouché à l’exportation sur le début de la campagne.

Toutefois, au regard des récoltes parfois décevantes chez les principaux pays exportateurs de l’hémisphère Nord et des risques toujours présents, le début d’une période de concurrence exacerbée entre les origines ne semble pas d’actualité. En Amérique du Nord, l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) remonte de 3,64 millions de tonnes ses attentes de production aux États-Unis et d’un million de tonnes pour le Canada. En Ukraine, la qualité de la récolte interpelle. Selon les sources officielles locales, entre 20 et 30 % de la production pourrait répondre aux critères meuniers.

Enfin, en Europe, l’association des coopératives allemandes abaisse de 140 000 tonnes son estimation pour la récolte de 2024, à 20,20 millions de tonnes. En France, il est encore tôt pour tirer des conclusions puisque seule une part de 14 % de la surface a été récoltée à date, selon Cereobs. Néanmoins, les échos en provenance du terrain fluctuent en termes de perte de rendement, allant de –5 à –20 % en blé tendre. Malgré ces incertitudes, le blé rendu Rouen cède au cours de la semaine –4 €/t pour descendre à 214 €/t.

Avancée de la moisson des orges en France

Dans le sillage du blé, les cours de l’orge fourragère cèdent du terrain. L’orge d’hiver rendu Rouen tombe à 183 €/t, après être momentanément revenu à 199 €/t au début de juillet. Il faut dire que la compétition reste forte sur le complexe fourrager en cette période de pression récolte. D’ailleurs, le retour de conditions plus sèches permet l’avancée des récoltes sur l’Hexagone : 80 % des surfaces ont été moissonnées, selon FranceAgriMer.

Toutefois, les retours de terrain sont pour l’instant décevants. Les pertes de rendement vont par endroits de –10 à –40 % par rapport à la moyenne de ces dernières années. Face à ces perspectives, l’orge française a su stimuler quelque peu la demande chinoise, entraînant le rebond de la prime fourragère de –50 à –30 €/t sur un mois. Cette semaine, c’est au tour de la Tunisie de lancer un appel d’offres pour sécuriser 100 000 tonnes d’orges fourragères.

Par ailleurs, l’USDA affiche à 16,85 millions de tonnes, le stock de report mondial 2024-2025, soit le plus faible depuis 1983. Toutefois, une partie des craintes est compensée par le bon début de cycle au Canada. 90 % des surfaces d’orges sont en bon ou excellent état dans le Saskatchewan, contre 85 % deux semaines plus tôt et seulement 47 % l’an passé à la même période. Les prochaines semaines devront confirmer ce potentiel, à l’heure où une vague de chaud s’installe sur les prairies canadiennes.

Du côté des orges de printemps, la récolte française débute avec 13 % des surfaces moissonnées. Pour l’instant, son prix se stabilise à près de 260 €/t Fob Creil. Les opérateurs seront néanmoins très attentifs tant aux échos de rendement que de qualité, après la déception sur les orges d’hiver brassicoles. C’est d’ailleurs pourquoi ses cours ont mieux résisté à la pression baissière du complexe céréalier.

Une récolte de colza sous surveillance dans l’hémisphère Nord

La volatilité est forte sur les cours du colza depuis le début du mois de juillet. Après une baisse de l’ordre de 40 €/t la semaine dernière, les prix ont rebondi cette semaine, en passant de 466 €/t à 487 €/t Fob Moselle. Tous les regards sont actuellement tournés vers les potentiels de production à travers l’hémisphère Nord.

Tout d’abord, les récoltes progressent en France et les retours des producteurs montrent une certaine hétérogénéité selon les départements. Les rendements semblent inférieurs à la moyenne des dernières années et Agreste estime désormais la production française à 3,94 millions de tonnes, soit une baisse de près de 20 % sur un an. La situation est similaire en Allemagne, où l’association des coopératives a revu son estimation en baisse de près de 100 000 tonnes, à 3,8 millions de tonnes, soit –10 % par rapport à l’an passé. Si les pluies tout au long du cycle ont perturbé le développement des cultures en Europe de l’Ouest, les conditions plus sèches à l’est du continent ont entraîné une baisse des surfaces. Au global, les potentiels de production seront limités au sein de l’Union européenne et nécessiteront des besoins d’importations conséquents en nouvelle campagne.

Parmi les principaux fournisseurs du Vieux Continent, 800 000 ha sont récoltés en Ukraine sur les 1,35 million prévus. L’avancée des moissons permet l’amélioration des rendements dans les régions plus productrices mais les incertitudes sont encore nombreuses. Le développement des cultures reste également sous surveillance au Canada. Après un début du cycle optimal, une vague de chaleur et de sécheresse attendue sur les deux prochaines semaines pose question et permet aux cours de rebondir. À l’heure où l’écart de prix est déjà élevé entre le colza européen et le canola canadien, la poursuite du mouvement haussier dépendra à court terme de l’évolution de la météo nord-américaine.

Forte correction des tourteaux de soja

La tendance baissière se poursuit sur les prix des tourteaux de soja. Avec une baisse de 62 €/t depuis le début du mois de juillet, le marché s’approche de la zone psychologique des 400 €/t, actuellement à 404 €/t en spot délivré Montoir. La pression baissière vient en partie des bonnes disponibilités de graines à l’échelle mondiale.

Dans le rapport mensuel de la semaine dernière, l’USDA a confirmé le dynamisme de la demande chinoise sur l’ancienne campagne. Les importations de l’empire du Milieu ont été revues en hausse de 3 millions de tonnes, à 108 millions de tonnes. Face à cela, les exportations sud-américaines ont logiquement été rehaussées d’un million de tonnes au Brésil et un million de tonnes en Argentine, confirmant l’accélération des échanges entre l’Amérique du Sud et la Chine. Avec cet afflux, le soja américain perd en compétitivité à l’heure où les disponibilités sont confortables dans le pays. Les conditions climatiques optimales depuis les semis incitent l’USDA à maintenir un rendement record de 3,5 t/ha, contre 3,37 t/ha en moyenne sur cinq ans.

Dans ce contexte, la demande sera déterminante pour l’évolution des cours. L’activité de trituration reste dynamique dans le pays, avec plus de 5 millions de tonnes triturées en juin, contre 4,6 millions de tonnes habituellement à cette date. L’activité à l’exportation sur la nouvelle campagne est tout de même ralentie, avec seulement 1,94 million de tonnes vendues pour 2024-2025, contre 8,75 millions de tonnes en moyenne sur cinq ans à cette date. Entre les bonnes disponibilités aux États-Unis et en Amérique du Sud et les incertitudes sur la demande chinoise en nouvelle campagne, le potentiel de hausse des cours du complexe soja semble limité mais la période de risque climatique est encore loin d’être terminée.

Enfin, en Europe, le rebond de la parité eurodollar, désormais proche de 1,09, est favorable pour les importations de tourteaux de soja en Europe et favorise le repli de ce marché.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : avancée des récoltes françaises et européennes ; évolution de la demande internationale en blé ; conditions des cultures de printemps nord-américaines ; période de floraison des maïs en hémisphère Nord ; rythme des exportations de soja américain ; évolution de la parité euro/dollar.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement